Crayon sur papier, 21 x 29,7 cm, 2022
L’insta de Swijsen : https://www.instagram.com/ink_of_nowhere/
Crayon sur papier, 21 x 29,7 cm, 2022
Christophe Swijsen, excellent dessinateur, m’a très aimablement invité à une petite joute graphique. Ainsi nous sommes quelques dessinateurs à avoir maltraité une malheureuse qui n’a sans doute rien demandé. Nous nous consolerons en toute mauvaise foi en nous rappelant que c’est tout de même un peu de sa faute : elle n’avait qu’à être un peu moins inspirante. Voici ma version. Vous pouvez retrouver celle de mes complices sur ma page Facebook (pictogramme en haut, à droite, de cette page).
L’insta de Swijsen : https://www.instagram.com/ink_of_nowhere/
4 commentaires
21 cm cm x 29,7 cm. Octobre 2022.
Ado je n’aimais pas Choron.
Je ne voyais pas ce qu’on lui trouvait.
Hâbleur, brutal, l’invective floue et confuse, toujours bourré quand on l’apercevait à la télé et trop centré sur sa bite qu’il dégainait, disait-il, au bout de la troisième coupe… Vraiment, quel drôle de zig.
L’engagé volontaire en Indochine, tondu, aux polos mous et au fume-Pall-Mall avait une silhouette mais je ne lui reconnaissais pas de talents. Ses fiches bricolages ne m’amusaient pas vraiment, ses rares billets non plus. Je voulais bien croire qu’il fût un animateur de bouclage enthousiasmant, un meneur d’hommes (un adjudant, quoi) déterminé, un remonte-pente galvanisant mais je m’en fichais bien. De là où j’en étais, avec mes convictions antimilitaristes, ma vue basse et les préjugés sourdement staliniens instillés par quelques professeurs confortablement blottis dans les plis d’un mammouth laineux pas encore dégraissé il m’avait tout l’air de l’oncle alcoolique et pugnace qui a le vin mauvais. A contourner. Je sautais la page.
Il n’aimait pas les adolescents et le leur faisait savoir. Son peu d’efforts pour être aimable, une vertu à mes yeux maintenant, me consternait à l’époque. Nous avions tout pour nous déplaire.
Des décennies ont passé, je n’ai plus besoin qu’on me séduise et j’entends mieux, dans la cacophonie des provocations, ce qui relève du noyau dur d’un individu.
Dans une interview on l’entend se défendre vivement de la prétendue tendresse dont veut le barbouiller l’animateur :
« Je refuse tous ces termes de tendresse et d’amitié, et d’amour, et toutes ces conneries-là qu’on veut vous accrocher comme des casseroles ! » Avant que l’autre ne reprenne son souffle il ajoute, laconique : « Je suis un vivant : j’aime ce qui est bon, boire, baiser et c’est pas mal déjà ». Sourire malicieux.
L’entretien roule.
A propos des hommes politiques il dit : « Tous les humains sont des salauds, et y en a jamais un qui dit qu’avec tous ces défauts-là, l’ambition, l’avarice, la jalousie, il faut faire une société »
L’interrogatoire se précise. On veut savoir de quel côté penche le malotru. Réponse : « La gauche est chrétienne, elle a deux mille années de crasse dans la tête. C’est la solidarité, le bonheur, des conneries comme ça qu’existent pas… » quant à « La droite c’est la morale, c’est Hara-Kiri et Choron qu’on brûle sur un tas de fagots comme Jeanne D’arc » Il conclut en ricanant : « Ta vie tu te démerdes et tu te la mènes dans n’importe quel régime, et pis c’est tout… »
Ces quelques phrases attrapées au vol, si bien incarnées, ne révèlent sûrement pas un penseur profond mais elles m’ont immédiatement réconcilié avec ce filou à qui je n’aurais pas confié ma nièce pour la soirée.
Savoir que le pire est probable, que ce n’est pas grave pour autant, que rien n’est sérieux et qu’on peut mourir par paresse sont des assertions roboratives qu’on s’emploie à refouler tant la vie, souvent, est ennuyeuse.
Rien de neuf sous le soleil, donc, mais Choron et ses beaux journaux avaient trouvé une façon inédite de le dire.
C’est Cioran sur les planches, en robe bleue, puissante, fragile et désirable. Aujourd’hui tout le monde l’aime ; on lui reprochera demain sa lucidité. On ne lui pardonnera pas de serrer d’aussi près la condition de l’homme, de convoquer des rires irrépressibles en rappelant implacablement sa solitude et sa finitude. Les petits rigolos de service et les woki-comiques n’ont qu’à bien (mieux) se tenir. C’est de l’humour à coups de marteau et une certaine idée de la grande santé.
Avec elle rions aussi en attendant la mort.
Bonnes fêtes à tous.
« … Les êtres s’effacent, on a beau conserver leur os dans des caisses d’ébène, graver leur nom dans la pierre, ça ne dure que la vie des suivants… des quelques survivants… le souvenir se garde au cœur, dans un petit coin… le visage, l’image ne durera que ce que va durer votre existence… un passage, une passade de je ne sais quel dieu féroce. Alors, on s’accroche à son papier, on griffonne, on s’efforce de faire revivre. Une entreprise de fou, tout est déjà en charpie, tout s’enfloue, se déforme… une photo qui s’extirpe d’un carton jauni, brûlé par le temps. Le papier ça meurt aussi, ça dure un peu plus que les roses… si peu ! »
Alphonse Boudard Mourir d’enfance 1995
Quel exercice stimulant !
Je lui trouve un petit air de vous.
Votre sœur ne vous ressemblerait pas davantage.
Bien à vous cher Soluto
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Hé ben merci ! Moi qui dis du bien de vous partout et qui loue à tout va votre bon goût ! On saura désormais qu’au jeu des ressemblances vous n’êtes pas très douée. On vous expliquera partout que ma silhouette chaloupée fait penser à celle d’un Brad Pitt, et que mon profil plein de flegme et d’intelligence, quoique plus fin et plus racé, se rapporte plutôt à celui d’un James Stewart. Ah non, Célestine, je vous donne souvent raison, mais là je vous conteste… (je t’en foutrais, ma sœur, si tu savais ce qu’elle te dit ma sœur…)
Amitiés !
Oui bon, admettons que j’aie un tantinet besoin de changer de lunettes !
Brad Pitt, James Stewart…bon sang mais c’est bien sûr…Comment ai-je pu louper ces détails contondants ?
En y regardant de plus près, l’évidence me saute au visage.
Mais je crains que vous ne me pardonniez jamais cette faute de goût.
Vous avez recouvré la vue ?! C’est bien. Quant à vous pardonner, hum, je ne sais pas. Vous me donnez, pour rire, l’envie d’être sévère. Le goût, ce sens mystérieux sans lequel nous ne serions que des vivants sans âme, supporte-il les fautes, les errances, les faiblesses ? Je me le demande encore. Reprenez-vous mon amie ! Je tiens à vous, vous savez… A tout bientôt Célestine.