



Je me souviens du bord de mer
Avec ces filles au teint si clair
Elles avaient l'âme hospitalière
C'était pas fait pour me déplaire
Naïves autant qu'elle étaient belles
On pouvait lire dans leurs prunelles
Qu'elles voulaient pratiquer le sport
Pour garder une belle ligne de corps
Et encore, et encore...
Z'auraient pu danser la java !
Le volume n°76 de la revue ÉCLIPSES, consacré à David Lynch, et pour lequel nous avions réalisé son portrait, est désormais accessible à la commande sur le site www.revue-eclipses.com, au format imprimé ou PDF. On peut consulter le sommaire en ligne.
Coordonné par Youri Deschamps, cette revue sera également disponible dans votre librairie préférée dès septembre 2025.
Bonne lecture à tous.
Le tableau
Parfois les baigneurs on les attrape au vol
D’un seul mouvement de crayon
Un 6b crayon Bic qui chante un gris lustré
L’œil sent plus qu’il ne voit
La pensée a fondu
Le poignet est souple
La mine guide, entraine la main
(Un dessin raté c’est tout le contraire)
Epouse le rodéo du trait.
Plus tard à la terrasse du café
Avant que le temps ne se renfrogne
On posera des noirs brillants
Au crayon Tombow 5B
Homo-graph Mono 100
(Un peu cher mais ça va, c’est de la balle, envoyez m'en une trousse pour la réclame gratuite)
Dans les années 70 mon père achetait chaque semaine un fascicule Alpha « Histoire de l’Art ». Tous les quinze ou vingt numéros, il les reliait en passant dans les agrafes deux lames d’acier qu’il glissait ensuite dans des couvertures cartonnées noires et or. Ces grands livres m’en imposaient.
J’étais enfant, je passais des heures, allongé sur mon cosy-corner, à regarder toutes ces reproductions de tableaux. Je ne ratais pas un numéro. Je ne lisais rien mais j’examinais toutes les images. Je mûrissais mon goût pour les fortes femmes en contemplant des Rubens et des Renoir. Ça me distrayait des Fripounet auxquels m’avait abonné une vieille cousine.
Un jour j’ai vu Le porteur d’eau de Séville, de Velázquez. Cette toile m’a beaucoup troublé. J’ai immédiatement reconnu un acteur très en vogue à cette époque : Lino Ventura. Je ne m’expliquais pas qu’il puisse être à la fois dans un tableau ancien et dans les pages de Télé Magazine. Il avait beau me paraitre vieux, je sentais bien que quelque chose clochait.
Les années ont passé. Ma confusion d’enfant s’est évanouie. J’ai enfoui l’anecdote dans les replis de ma capricieuse cervelle.
Jusqu’à ce que l’envie de peindre cette vieille barbouze me prenne.Aux premiers coups de pinceaux le souvenir a ressurgi. Je me suis revu dans ma mansarde, à plat ventre sur mon couvre-lit chenille jaune, confondu par la ressemblance entre le parmense et le sévillan. J’ai souri.
Depuis j’ai vu presque tous les films de l’un et presque toutes les toiles de l’autre. Pourtant, jamais encore je n’avais raccroché les wagons de ce train de souvenirs..