Tout à l’heure j’ai attrapé, comme par inadvertance, cinquante-neuf ans.
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Marseille, personnages…
Portraits avancés…
Serge G.

Je le préférais plutôt Intoxicated Man que beurré au 51. Reste la geste suicidaire, longuette et désinhibée, qui me partage. L’ivrognerie magnifique n’est pas donnée à tout le monde. Trop souvent elle crétinise et gâte le talent. J’aimais mieux quand son 6.35 lui f’sait les yeux doux — Rien qu’un vertige, comme ça, pour rire, pan ! pan !
Quoi qu’il en soit il m’a plu d’aller le chercher par la couleur plutôt que par le trait.
Ado je n’aimais pas Choron…
21 cm cm x 29,7 cm. Octobre 2022.
Ado je n’aimais pas Choron.
Je ne voyais pas ce qu’on lui trouvait.
Hâbleur, brutal, l’invective floue et confuse, toujours bourré quand on l’apercevait à la télé et trop centré sur sa bite qu’il dégainait, disait-il, au bout de la troisième coupe… Vraiment, quel drôle de zig.
L’engagé volontaire en Indochine, tondu, aux polos mous et au fume-Pall-Mall avait une silhouette mais je ne lui reconnaissais pas de talents. Ses fiches bricolages ne m’amusaient pas vraiment, ses rares billets non plus. Je voulais bien croire qu’il fût un animateur de bouclage enthousiasmant, un meneur d’hommes (un adjudant, quoi) déterminé, un remonte-pente galvanisant mais je m’en fichais bien. De là où j’en étais, avec mes convictions antimilitaristes, ma vue basse et les préjugés sourdement staliniens instillés par quelques professeurs confortablement blottis dans les plis d’un mammouth laineux pas encore dégraissé il m’avait tout l’air de l’oncle alcoolique et pugnace qui a le vin mauvais. A contourner. Je sautais la page.
Il n’aimait pas les adolescents et le leur faisait savoir. Son peu d’efforts pour être aimable, une vertu à mes yeux maintenant, me consternait à l’époque. Nous avions tout pour nous déplaire.
Des décennies ont passé, je n’ai plus besoin qu’on me séduise et j’entends mieux, dans la cacophonie des provocations, ce qui relève du noyau dur d’un individu.
Dans une interview on l’entend se défendre vivement de la prétendue tendresse dont veut le barbouiller l’animateur :
« Je refuse tous ces termes de tendresse et d’amitié, et d’amour, et toutes ces conneries-là qu’on veut vous accrocher comme des casseroles ! » Avant que l’autre ne reprenne son souffle il ajoute, laconique : « Je suis un vivant : j’aime ce qui est bon, boire, baiser et c’est pas mal déjà ». Sourire malicieux.
L’entretien roule.
A propos des hommes politiques il dit : « Tous les humains sont des salauds, et y en a jamais un qui dit qu’avec tous ces défauts-là, l’ambition, l’avarice, la jalousie, il faut faire une société »
L’interrogatoire se précise. On veut savoir de quel côté penche le malotru. Réponse : « La gauche est chrétienne, elle a deux mille années de crasse dans la tête. C’est la solidarité, le bonheur, des conneries comme ça qu’existent pas… » quant à « La droite c’est la morale, c’est Hara-Kiri et Choron qu’on brûle sur un tas de fagots comme Jeanne D’arc » Il conclut en ricanant : « Ta vie tu te démerdes et tu te la mènes dans n’importe quel régime, et pis c’est tout… »
Ces quelques phrases attrapées au vol, si bien incarnées, ne révèlent sûrement pas un penseur profond mais elles m’ont immédiatement réconcilié avec ce filou à qui je n’aurais pas confié ma nièce pour la soirée.
Savoir que le pire est probable, que ce n’est pas grave pour autant, que rien n’est sérieux et qu’on peut mourir par paresse sont des assertions roboratives qu’on s’emploie à refouler tant la vie, souvent, est ennuyeuse.
Rien de neuf sous le soleil, donc, mais Choron et ses beaux journaux avaient trouvé une façon inédite de le dire.
Avançons cachés…
Tutu…
Les voies délicieuses du salut et de la perdition (5)…
Mon Apéro
On peut donner des leçons d’ morale
Quand on possède bonne soupe et bon feu
Mais quand on ne possède que peau d’ balle
On prend son plaisir où on peut
Dans le quartier, on me blague
Je suis un pilier d’ bistrot
C’est vrai qu’avec les pochards, j’ divague
Chaque fois qu’ j’ai le cœur trop gros
D’autres cherchent des trucs compliqués
Mais comme j’ai horreur du chiqué
Moi, c’est au bord du comptoir
Que je prends tous les soirs
Mon apéro… J’ discute avec le patron
J’ l’appelle par son p’tit nom
Oh, c’est un bon gros
Comme les mâles j’ lui dis : Arthur, vas-y !
Et j’ te lui joue la tournée au zanzi
Le phono pousse une java
L’ennui doucement s’en va
Tout me semble beau
Et j’ noie mon ennui profond
Pour une heure, tout au fond
D’un apéro… Sur mes seize ans, comme j’étais belle gosse
Tous les gars m’ faisaient du boniment
Alors, je m’ suis mise à faire la noce
C’est venu, je n’ sais pas comment
Y m’ payaient tout sans rien dire
J’avais voiture et hôtel
Mais il me fallait toujours sourire
Le cœur barbouillé de fiel
Et j’ rêvais d’un petit mécano
Qui n’ m’offrirait que des bécots Alors, pour chasser le noir
J’ buvais dans tous les bars
Des apéros
Grimpée sur un tabouret
Trempait dans mon gobelet
Un chalumeau
Et devant l’air fatigué des danseurs
Je m’ sentais prise par les chasses du chauffeur
Plus que moi riche d’amour
Il embrassait chaque jour
Une dactylo
Et j’ n’avais pour m’ consoler
Mon cœur si désolé
Qu’ les apéros Mais les cocktails me tournaient la tête
Alors j’ai bientôt plaqué l’ métier
Me r’voilà, bon Dieu que la vie est bête !
Revenue dans mon vieux quartier
La r’voilà, ma p’tite église
Et chez moi rien n’a changé, rien !
Rien sinon mon cœur, cette prison grise
À qui tout reste étranger
Hélas, le bonheur n’a qu’un temps
Voyant que l’amour foutait l’ camp
Je suis rev’nue au comptoir
Où l’on m’ payait le soir
Des apéros… Je n’ crois plus à rien du tout
« Patron, encore un coup
Et du costaud ! »
C’est en baissant l’ nez que j’ revois les cieux
Et dans mon verre, je pêche des rêves bleus
Affamée par les coups durs
J’ai pas mis la main sur
Le bon numéro
Et mon cœur vide d’amour
N’a plus d’ tendresse que pour
Les apéros…
Robert Malleron
Pages de carnet…
Jeanne…
Christine Despaillers…
Patrick S

Patrick S a joué le jeu… Merci…

Voilà ce qu’Aby a
fait de moi… A force d’aller chercher les autres il fallait bien que ça
m’arrive aussi…
(parce que je sais l’effort, la tension, la vigilance et l’abandon qu’il
faut pour faire un portrait, merci Aby…)
Je les ai attrapés ou ils m’ont plutôt rattrapé en janvier. Cronos ne manque pas d’appétit. Bon anniversaire
Les anniversaires, les miens du moins, je m’en fiche. Sauf quand j’approche d’un point de bascule, ou du tournant de la fin d’une décennie. Je suis alors fugitivement traversé de questions, je multiplie les calculs, je mesure le temps qu’il me reste pour mener à bien quelques projets qui me sont chers et que je peine à conclure : écrire un livret d’opéra, rire du monde comme il est, mettre à jour la play-list qu’on diffusera quand on me glissera dans le trou (Maggot Brain en ouverture ou en conclusion ? Dilemme).
Si je remets tout à plus tard au moins suis-je saisi d’un sentiment d’urgence à l’approche d’un chiffre rond (rond comme la plénitude). « Vite, vite ! » me répète une petite voix, « la mort va te cueillir inachevé, te prendre au dépourvu. Active-toi enfin ! » Voilà ce que je me promets. Mais je me connais bien, je me mens comme je respire, et je diffère encore. Je m’immisce peu dans mes affaires, je laisse mes inquiétudes, à bout de forces, se dissiper toutes seules. Cinquante-neuf passera (ou pas) et je serai, l’année prochaine, au départ d’une nouvelle décennie. Certes, comme l’écrit Toulet, je ne serai plus très jeune. Mais ce pseudo drame est très relatif…
Au plaisir Lucm…
Vous allez entrer dans le club très sélect des sexygénaires…
Ça va aller, vous verrez… 😉
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Encore une année pour m’y préparer. Merci de vos encouragements. Mais j’ai beau lorgner par la porte entrebâillée du club en question je trouve qu’il manque de fraîcheur et d’inventivité. Je vais essayer de continuer mon chemin comme un grand, tout seul, le plus droitement possible (c’est encore le meilleur moyen de jouer avec la morale) et à l’écart des coteries. Je laisse à qui veut ma carte de membre VIP so select. A tout bientôt chère Célestine…