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Marseille, personnages…
Serge G.

Je le préférais plutôt Intoxicated Man que beurré au 51. Reste la geste suicidaire, longuette et désinhibée, qui me partage. L’ivrognerie magnifique n’est pas donnée à tout le monde. Trop souvent elle crétinise et gâte le talent. J’aimais mieux quand son 6.35 lui f’sait les yeux doux — Rien qu’un vertige, comme ça, pour rire, pan ! pan !
Quoi qu’il en soit il m’a plu d’aller le chercher par la couleur plutôt que par le trait.
Ado je n’aimais pas Choron…
21 cm cm x 29,7 cm. Octobre 2022.
Ado je n’aimais pas Choron.
Je ne voyais pas ce qu’on lui trouvait.
Hâbleur, brutal, l’invective floue et confuse, toujours bourré quand on l’apercevait à la télé et trop centré sur sa bite qu’il dégainait, disait-il, au bout de la troisième coupe… Vraiment, quel drôle de zig.
L’engagé volontaire en Indochine, tondu, aux polos mous et au fume-Pall-Mall avait une silhouette mais je ne lui reconnaissais pas de talents. Ses fiches bricolages ne m’amusaient pas vraiment, ses rares billets non plus. Je voulais bien croire qu’il fût un animateur de bouclage enthousiasmant, un meneur d’hommes (un adjudant, quoi) déterminé, un remonte-pente galvanisant mais je m’en fichais bien. De là où j’en étais, avec mes convictions antimilitaristes, ma vue basse et les préjugés sourdement staliniens instillés par quelques professeurs confortablement blottis dans les plis d’un mammouth laineux pas encore dégraissé il m’avait tout l’air de l’oncle alcoolique et pugnace qui a le vin mauvais. A contourner. Je sautais la page.
Il n’aimait pas les adolescents et le leur faisait savoir. Son peu d’efforts pour être aimable, une vertu à mes yeux maintenant, me consternait à l’époque. Nous avions tout pour nous déplaire.
Des décennies ont passé, je n’ai plus besoin qu’on me séduise et j’entends mieux, dans la cacophonie des provocations, ce qui relève du noyau dur d’un individu.
Dans une interview on l’entend se défendre vivement de la prétendue tendresse dont veut le barbouiller l’animateur :
« Je refuse tous ces termes de tendresse et d’amitié, et d’amour, et toutes ces conneries-là qu’on veut vous accrocher comme des casseroles ! » Avant que l’autre ne reprenne son souffle il ajoute, laconique : « Je suis un vivant : j’aime ce qui est bon, boire, baiser et c’est pas mal déjà ». Sourire malicieux.
L’entretien roule.
A propos des hommes politiques il dit : « Tous les humains sont des salauds, et y en a jamais un qui dit qu’avec tous ces défauts-là, l’ambition, l’avarice, la jalousie, il faut faire une société »
L’interrogatoire se précise. On veut savoir de quel côté penche le malotru. Réponse : « La gauche est chrétienne, elle a deux mille années de crasse dans la tête. C’est la solidarité, le bonheur, des conneries comme ça qu’existent pas… » quant à « La droite c’est la morale, c’est Hara-Kiri et Choron qu’on brûle sur un tas de fagots comme Jeanne D’arc » Il conclut en ricanant : « Ta vie tu te démerdes et tu te la mènes dans n’importe quel régime, et pis c’est tout… »
Ces quelques phrases attrapées au vol, si bien incarnées, ne révèlent sûrement pas un penseur profond mais elles m’ont immédiatement réconcilié avec ce filou à qui je n’aurais pas confié ma nièce pour la soirée.
Savoir que le pire est probable, que ce n’est pas grave pour autant, que rien n’est sérieux et qu’on peut mourir par paresse sont des assertions roboratives qu’on s’emploie à refouler tant la vie, souvent, est ennuyeuse.
Rien de neuf sous le soleil, donc, mais Choron et ses beaux journaux avaient trouvé une façon inédite de le dire.
Ambiance d’autoroute…
Portrait du mélancolique, grand mangeur de bananes…
Induction…
Au sac et en sparring…
Qui va se souvenir?…
« … Les êtres s’effacent, on a beau conserver leur os dans des caisses d’ébène, graver leur nom dans la pierre, ça ne dure que la vie des suivants… des quelques survivants… le souvenir se garde au cœur, dans un petit coin… le visage, l’image ne durera que ce que va durer votre existence… un passage, une passade de je ne sais quel dieu féroce. Alors, on s’accroche à son papier, on griffonne, on s’efforce de faire revivre. Une entreprise de fou, tout est déjà en charpie, tout s’enfloue, se déforme… une photo qui s’extirpe d’un carton jauni, brûlé par le temps. Le papier ça meurt aussi, ça dure un peu plus que les roses… si peu ! »
Alphonse Boudard Mourir d’enfance 1995
Week-end à l’eau de couleur, Hardy décatie…
Caroline, 11 cm x 15 cm, Aquarelle, 2015
Dessins assemblés, 6 cm x 11 cm à peu près chaque, 2015
Hardy chez Ruquier samedi soir, « Comment te dire adieu »
Sans doute pas comme ça… Tristesse infinie…
En cliquant sur cette image, exceptionnellement agrandie, on entrera dans l’aquarelle (pour ceux, évidemment, qui ne considère pas l’aquarelle comme une technique de coloriage…)
Michel Houellebecq, l’oscillation de la souffrance à l’ennui…
Huile sur panneau, 40 cm x 40 cm, 2014
J’ai voulu peindre Michel Houellebecq dans une gamme de gris colorés, ni trop chauds, ni trop froids, oscillant du violet minéral au vert sourd. J’ai chassé le blanc de titane de ma palette et abaissé par le jaune de Naples toutes les lumières franches afin qu’elles ne soient pas trop crues.
Le gris est la couleur de la désillusion, de la nuance. Ses inflexions, tantôt roses, tantôt mauves, tantôt bleus, chantent les regrets, la nostalgie, l’ennui, l’ironie parfois. Sans lui l’éclat n’existe pas, il n’est que bruit, fracas, éblouissement et il manque d’assise.
Je désirais rester dans la gamme des sentiments mélancoliques que les poèmes et les romans de ce grand auteur contemporain m’inspirent.