Chère Jojo, très chère maman,
La maladie a eu raison de toi. La maladie a eu raison de ce cœur en or qui a fait la joie de tous ceux qui t’ont connu et qui ont eu la chance de te fréquenter. Ta bonne humeur, ta volonté d’être toujours en accord avec ton prochain, ton attention à ne froisser personne étaient une façon de vivre en harmonie avec ta foi. Je t’ai toujours vu mettre une assiette de plus pour l’invité surprise.
Tu es née à Le Quesne le 16 aout 1933 et tu avais franchi l’année dernière ta quatre-vingtième année.
Je crois que ton enfance a été heureuse. Tu as été désirée, accueillie, choyée par tes parents et ton grand-frère Marcel. Toujours, tant qu’ils étaient vivants et tant que tu l’as pu, tu es restée proche d’eux. Mes souvenirs d’enfance sont remplis de la voix de mon grand-père, de la bienveillance de ma grand-mère, des jeux de mots de mon oncle et je pense aussi à eux très fort.
Comme ton père André et ton frère Marcel tu as fait de la musique. Ton instrument était le saxophone. Tu jouais au sein de la fanfare de Beaucamps. Tu adorais chanter et danser. Les danses de salon n’avaient pas de secrets pour toi. Quand tu valsais avec Michel vous faisiez l’admiration de beaucoup. En écrivant ces lignes je t’ai revue quelques instants danser le madison en riant à Montfort L’Amaury avec tes petits-enfants.
Tu aimais aussi le théâtre que tu as pratiqué pour le plaisir. Je tiens de mon père que c’est à la faveur d’une représentation théâtrale qu’il s’était rapproché de toi. Il n’avait pas économisé sa peine pour revenir te voir sur scène un dimanche d’avril 1954. Bien lui en a pris !
Votre mariage a été une réussite incontestable. Cette union a duré 58 ans. Elle était fusionnelle. 58 ans de café au lit se plait à répéter mon père! Vous ne vous êtes jamais quittés. Même le travail, au magasin La Ruche, vous réunissait encore. Jamais l’un sans l’autre et toujours l’un pour l’autre. Il fallait au moins la traitrise de la mort pour vous séparer.
Bien sûr, comme tu le disais souvent, tout ne fut pas rose. Des débuts hasardeux dans un fonds de charcuterie à Feuquières au départ en Algérie de mon père en passant par quelques difficultés financières les inquiétudes étaient diverses. Elles avaient d’ailleurs laissé une trace profonde qui t’amenait souvent à anticiper certains écueils. Mais le passage par la Mailleraye, puis l’arrivée à Oissel au magasin d’alimentation La Ruche, où vous êtes restés 25 ans, ont été l’occasion d’un nouveau départ.
Je suis né en 1961. J’ai été votre fils unique et à ce titre j’ai concentré tous tes espoirs de mère. Tu as toujours voulu pour moi le meilleur, tu ne t’es pas économisée. Tu m’as élevé, soigné, accompagné avec une détermination sans faille. Sans doute par insouciance, par négligence ou par faiblesse ai-je déçu quelques-unes de tes espérances, c’est hélas parfois ainsi que les hommes se construisent. Mais tu n’as jamais ajouté aux regrets la moindre rancœur ou la moindre amertume.
Au sortir de l’adolescence je savais déjà que tu m’avais transmis le meilleur.
Tu m’as appris le discernement, la prudence, une certaine souplesse d’esprit et l’attention que mérite en toutes circonstances notre prochain. Grâce à toi j’ai marché d’un bon pas et j’ai su faire ma place dans un monde que tu savais difficile.
Tu as immédiatement considéré Caroline, ma compagne, comme ta propre fille. Quand notre famille s’est enrichie d’un puis de deux beaux enfants, Gabin et Lou, tu as été comblée. Ils ont fait toute ta joie ces vingt dernières années. Comme tu les as gâtés, et comme nous avons aimé que tu les gâtes ! Comme ils aimaient être avec mamie et papy ! Ils n’ont su que te faire rire, parfois jusqu’aux larmes. Je sais que tu as beaucoup prié pour eux, pour Caroline et pour moi afin que nos vies soient douces.
Nous avons tous été rassemblés autour de toi une dernière fois à Noël. L’on t’avait autorisée à rentrer dans ce chez toi que tu n’avais plus vu depuis longtemps. Ce fut une journée inespérée. Tu paraissais en forme et nous étions tous confiants. Tu venais de subir la pose d’une valve percutanée. L’intervention s’était formidablement bien passée. Chacun a cru que le pire était passé. Il n’en était rien. Chaque jour de 2014 t’a vu t’affaiblir un peu plus. Notre impuissance à t’aider s’est ajoutée à notre souffrance et à notre peine.
Mon père n’a jamais failli ! Il t’a soutenu de tout son amour et t’a rendu visite chaque jour de ces longs mois. Je suis venu te voir autant que je l’ai pu. Quand tu t’es éteinte nous étions près de toi et nous te tenions chacun par la main. Nous avons entendu ton dernier souffle.
Mes pensées vont aussi particulièrement vers Monique et Jacques pour ce soutien essentiel qu’ils nous ont apporté ces derniers jours.
Chère Maman, tant que nous serons là nous ferons vivre ta mémoire. Tu resteras avec nous, en nous, dans nos cœurs.
Parce que tu nous as beaucoup donné tu nous manqueras terriblement.
Jojo — 1933-2014 —
Que les délicats gênés de tant d’impudeur ne se privent pas de quitter cette page en m’épargnant leurs commentaires.
Les autres, s’ils le souhaitent, peuvent m’écrire en privé…
Ah quel texte jouissif ! Des cris d’Onfray, celle-là, il fallait la trouver…
Des mots psychédéliquement enchaînés les uns aux autres dans un galimatias propre au sujet d’étude.
Vous ne pouviez pas mieux finir l’année, qu’avec cette variation en Houellebecq majeur.
Pour la nouvelle (année), je vous la souhaite longue, active, pleine, vigoureuse et bourrée de talent.
La routine habituelle, quoi… 😉
Meilleurs voeux cher Soluto ! Vous êtes la brillante goutte de mercure du thermomètre, l’aiguille du cadran solaire, le chaînon manquant de ma blogosphère.
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Merci chère Célestine,
Je vous souhaite, avec un élan et une sincérité que vous ne soupçonnez pas, une bonne année 2023. Prenez grand soin de vous et poursuivez votre sillon. Il est droit, résolu et sympathique. Bref, vous comptez.
Amitiés.
A très bientôt.
(Votre dévoué chaînon manquant…)
Du coup, en cherchant un calembour (qu’à l’instar de David Vincent je n’ai jamais trouvé) à partir de l’expression « tomber sur un bec » ou « se casser le bec », je suis retombé sur cette autre, bien obsolète, « tenir les cordons du poêle » (beuârk), qui a jadis servi pour traduire en Série Noire le titre d’un des premiers polars de Westlake, The Busy Body (1966).
C’est une expression, « Les cordons du poêle », à gratter ! (Les cordons du poil à gratter, warf!) La première fois que je l’ai entendue c’était dans la chanson des Quat’z’arts (Brassens)
« Ce n’étaient pas du tout des filles en tutu
Avec des fess’s à claque et des chapeaux pointus
Les commères choisies pour les cordons du poêle
Et nul ne leur criait: « A poil ! A poil ! A poil ! »
Comme c’est beau.
Je n’ai pas lu ce roman de Westklake. Et d’ailleurs je n’aime pas grand chose de cet auteur… Je ne suis pas sensible à son humour, ni à son sens du burlesque. A moins que ses textes perdent beaucoup à être traduits (The busy body/ Les cordons du poêle, reconnaissons qu’il faut s’accrocher), ce qui est bien possible. C’est Manchette, en qui j’ai toute confiance, qui m’avait amené à en lire quelques-uns. Au bout de trois ou quatre, dont je ne me souviens plus, j’ai laissé tomber…
A très bientôt mon ami… Au plaisir de vous lire.