Corona song…

il y a 5 ans

Sous le masque les tatillons
Tremblent, pestent. Ils ne rient plus.
La morsure du postillon
Qui les menace les exclut
De l’avenue silencieuse
De son flot entre parenthèses
Où l’herbe tendre, insoucieuse
Pousse, fleurit, reprend ses aises.

Ils ne bougent plus de chez eux
Sans leur gel hydro alcoolique
Certains anxieux sont nauséeux
Convaincus d’un mal diabolique.
L’attestation est dans leur poche
Précieuse comme un papyrus
Du passant frôlé ils décrochent
Croyant contourner le virus.

Quand ils sortent de leurs cocons
Tous ces claquemurés blafards
Au garde-à-vous sur les balcons
En rythme comme à la fanfare
Applaudissent. Il est temps.
Vingt heures pile. Ils manifestent
Et s’égosillent tant et tant.
N’allons pas croire qu’ils protestent.

Si jamais d’étonnants symptômes
Les conduisaient jusqu’à l’hosto
S’ils perdaient le goût des arômes
Et finissaient en végétaux
Vaincus aux éliminatoires
S’ils exhalaient leur dernier râle
Sous assistants respiratoires
Et gagnaient la mort sidérale

On verrait tous ces minuscules
Qui glorifient les infirmières
Par une claque ridicule
Implorer d’elles la lumière
Le souffle, un sourire, l’espoir.
Ils ne s’en souciaient pas naguère
Ils voyaient en elles des poires
Payées avec un lance-pierre

Qu’on pouvait congédier par vagues.
La dette, la dette, la dette
Leur chantait-on sur un air vague
Pour étouffer l’entourloupette.
Le peuple modelable et veule
Qu’un mot irrite, excite, enflamme
Et qui s’érige comme un seul
Au bout du rouleau les acclame.

Hélas il est bien temps. Rompues
Cassées, vidées elles s’en tapent
De vos concerts de morfondus.
Obstinément elles retapent
Vos poumons spongieux, décatis.
C’est le printemps la mort picore
Dans tous les rangs grands et petits
Savants, marchands, sages, pécores.

Politesse du désespoir
Où donc as-tu fichu le camp ?
Où sont les petits péremptoires
Les amuseurs inconséquents
Qui raillent le covid dix-neuf ?
On désengorge l’hôpital
La morgue est pleine comme un œuf
Au rire il porte un coup fatal.

Il a muselé les comiques
Rendu confus tous les experts
Qui grossissent des polémiques
Sur lesquelles les peurs prospèrent
Sera-ce l’azithromycine
Avec l’hydroxychloroquine
Qui renflouera les officines
Et tuera le mal qui nous mine ?

Pour ne pas devenir idiot
Et confiner paisiblement
J’ai coupé télé et radio.
Je soigne mes enivrements
Je pense à mes amours défuntes
Aux livres que je chéris tant
A Don Juan, à Des Esseintes
A Brassens et au fou chantant.

Sans doute est-il un peu trop tôt
Pour que je clamse et qu’on décrète
De poser sur d’humbles tréteaux
Mon cercueil comme à la sauvette
Mais si le virus qui décime
Me passe de vie à trépas
Je ne tomberai pas des cimes
Puisque je suis resté en bas.

Je dirai : j’ai pleuré, j’ai ri
Je n’ai pas su me distinguer.
Pour moi pas de dernier jury
J’irai vite et sans zigzaguer
Me dissoudre dans le néant.
Pas de soupirs ni de mots tristes
J’aurai vécu en fainéant
En imposteur, presque en artiste.

Soluto, le 30 mars 2020

Chaque estuaire est un système…

il y a 5 ans

confinement, dessin, fusain, board, grey, painting, body, soluto dessin

Fusain, feuille, 2020

Chaque estuaire est un système physique et écologique dynamique et unique, incluant des zones humides, des méandres sans cesse remodelés par les vents et courants, des charges de matières en suspension apportées par le fleuve, et selon la nature du contexte géologique et du bassin versant, le climat, les vents et les interventions humaines historiques et contemporaines. L’estuaire est aussi le lieu où la force du fleuve est ralentie.

Mes confins, poème…

il y a 5 ans

confinement, dessin, fusain, board, grey, painting, body, soluto dessin

Fusain, feuille, mars 2020

Mes confins

Impossible de me coucher, de me reposer
Je lis, je dessine, je regarde des livres d’images
Je fais de courtes siestes n’importe quand
Je sens tous mes rythmes se chambouler
J’ai gagné un cran à ma ceinture
Les larmes me montent aux yeux à la moindre chanson
Je ne mets plus de chaussures
J’ai coupé la radio, rouvert des souvenirs de 1977
J’aimerais tant passer ma main sous une robe d’été

Le 23 mars 2020

Portrait en gris de Beigbeder…

il y a 5 ans

beigbeder, encre de chine, dessin numerique, board, grey, painting, body, soluto dessin

J’adore ma fatigue. Faire la grasse matinée. Ne pas réfléchir tout le temps. C’est agréable de dormir debout. Les problèmes glissent… Ce sont des amis, ils m’aiment, ils sont drôles. On s’amuse, c’est grave ?

Frédéric Beigbeder ; Oona et Salinger (2014)

A l’amie qui n’a manifestement pas compris mon dessin posté ailleurs et qui se réjouissait que j’aie réglé son compte (???) à Beigbeder j’ai répondu :

Vous me laissez sans voix mon amie. Je n’ai pas de ces dégoûts, ou de ces aversions que vous me prêtez. Est-ce en rapport avec cette sinistre vidéo qui circule actuellement sur certains réseaux ? Si c’est le cas permettez-moi de vous donner mon point de vue. L’ironie, l’ironie la plus crasse et la plus imbécile peut surgir au détour d’un repas arrosé — ou pas d’ailleurs. Certaines compagnies poussent à la surenchère. L’humour est une projection de la pensée. Et la pensée n’est pas droite, ni bienpensante, ni parfois très maligne. Ce n’est qu’une pensée, pas un geste, pas un délit, pas un abus, pas une morale, pas un tract ni un manifeste. Je redoute la police de la pensée. Sur les réseaux elle est partout. Elle se gave de tout. La foule, toujours irresponsable et sans surmoi, réclame sans fin on ne sait quelle vengeance. Je crois pour ma part qu’on doit s’en protéger. Un jour on jugera un individu sur ses fantasmes avant de le confondre sur ses actes. Je me demande ce que nous aurons gagné.

Et je maintiens que cet auteur vaut le détour. J’ai un faible pour Nouvelles sous ecstasy. Jetez-y un œil, vous m’en direz des nouvelles (justement). Bien à vous…

Soluto