Il fait froid à l’atelier. Le radiateur soufflant s’essouffle. Je dessine à la maison.
Je dessine en écoutant Clément Rosset. Une pleine page trouvée sur La main de Singe. Y a d’la joie, mais ne nous trompons pas : Clément rosse est.
J’avais approché ce philosophe par une émission de Raphaël Enthoven, il y a de nombreuses années, attrapée au vol sur France-Culture. Accroché, j’étais allé aux livres. L’animateur philo, qui m’assurait que j’y entrerais comme dans du beurre, vantait la simplicité du texte – du texte, pas des idées qu’il renfermait. Il m’avait un peu menti. Il fallait tout de même s’accrocher.
Pour m’aider à aborder ses ouvrages je trouvai les entretiens donnés par ce penseur du tragique pas si avare de sa parole. Régal. Joie d’une diction singulière, alternant le sérieux et l’amusé, le rond et le précipité, les mélangeant souvent. Une parole malicieuse, se nouant à des rires impromptus, doublée d’une puissance de pénétration jubilatoire.
Hier soir, donc, je dessinais en l’écoutant – pour autant qu’on puisse nommer ainsi une main qui musarde en mode automatique sur un bloc sténo. Quand j’ai regardé ce que j’avais commis c’était une femme nue. J’étais content. Pas de mon dessin, encore que. Non j’étais content. Content d’être là, au chaud, dans la lumière douce, penché sur mon bloc, la langue pliée, le sourcil perché, un thé tiède, russe, à portée de paumes, tout ravi d’avoir écouté la leçon.
Je vole au chat l’attention têtue ou le plaisir idiot de reposer sans question dans ma viande.
Certains jours, même, j’offre mes flancs, mon ventre blanc, ma gorge pour les caresses à ronrons.