Portrait d’écrivain : Francis Ponge (1899-1988)…

il y a 4 ans
Le parti pris des choses,la rage de l
Crayons de couleur, 21 cm x 29,7 cm, août 2021

On doit aimer Francis Ponge d’un amour posé et précautionneux. Ses écrits sont d’une texture si fragile, quoique le tissage en soit très serré, que la précipitation nuirait à leur bonne lecture. Un empressé verrait de la reprise où il faut voir de la variation, de l’obsession, du mouvement et une traque farouche de l’illusion d’optique.
Ses sujets de prédilections sont les objets. Il écrit sur le motif. Par lui décrits on les croirait peints, ou sculptés, et leur matérialité en est augmentée – chose qu’on pensait impossible. On les goûte, on les touche, on les voit, on les sent. Leur singularité devient extrême.
C’est un poète engagé qui dédaigne les nues, la Femme, l’aube, le couchant et le sentiment, ces lieux communs du versificateur, pour leur préférer la sensation, le mot, sa forme et ses vertus d’outils.
Il aimait Braque, Fautrier mais aussi, inexplicablement, Émile Picq qui n’est pas un bon dessinateur.
Il n’est jamais drôle, comme souvent ceux qui sont passés par le surréalisme. D’ailleurs, s’il a admirablement cerné son sujet dans « Le Savon », force est de constater qu’il n’a pas réussi à coincer la bulle.

Je me souviens de Michel Tournier…

il y a 4 ans
Magali Cazo, graphite, dessin, fusain, board, grey, body, soluto peintureCrayon bleu sur papier, 21 cm x 21 cm, juillet 2021

Je me souviens de Michel Tournier, de ses prestations à la télévision, de ses yeux rieurs, de son sérieux brutalement retrouvé, de ses enthousiasmes un tantinet exagérés. J’étais adolescent. Je n’ai sans doute rien compris, lors de ma première lecture, au sous-texte philosophique des Limbes du Pacifique. Et encore moins à celui du Roi des Aulnes. Je ne voyais que le romancier. Pourtant je sentais bien, malgré leur luxuriance, le caractère contraint de ses livres, sa volonté de démontrer en montrant, tout son labeur pour encastrer les images et les idées dans des blocs homogènes, bien cirés et sans écharde.

Mais il m’embarquait, me distrayait, m’inquiétait, m’instruisait avec science, avec style, avec souffle. J’aime qu’on instille le trouble et qu’on glisse avec à propos, c’est-à-dire sans affectation, des mots rares.

Avec Tournier, qui ne va pas tarder à gagner son purgatoire si ce n’est déjà fait, j’étais servi.

 

Portrait d’écrivain, Montherlant…

il y a 4 ans
Montherlant, portrait d’écrivain…
Portraits réalisés à la volée en visionnant une vidéo sur YouTube.
Je sais tout le mal qu’on peut dire de cet auteur. N’empêche, je l’ai lu, relu, et beaucoup aimé. La causticité, l’ironie, le style. Jusque dans « Les célibataires » et « Les Garçons » qui vous déplairaient tellement. J’ai parlé, il y a longtemps, du livre « le fichier parisien », dans mon blog. Vivent aussi (surtout) « Les jeunes filles »
Sa dernière ligne : « Je deviens aveugle. Je me tue ». Une capsule de cyanure, un coup de révolver.
La mort sur un air antique.

Simonin, portrait d’écrivain…

il y a 4 ans
Magali Cazo, graphite, dessin, fusain, board, grey, body, soluto peintureCrayon sur papier, 21 cm x 29,7 cm, juin 2021

Je me souviens vaguement de ma première rencontre avec Albert Simonin.

Il était austère, sous un vernis noir et jaune, griffé blanc NRF, couché dans une caisse de romans de poche que mon père avait levée chez un voisin parti à la cloche de bois. On trouvait dans la boite à la fois Mauriac, James Hadley Chase, Sagan, San Antonio, Jacques Laurent, Francis Carco, Jean Bruce, des Spécial Police, du sentimental, d’autres auteurs en vogue dans les années 60 et maintenant tout à fait démodés.

J’avais onze ou douze ans. Simonin était au plus bas sous les piles et le dernier à m’intéresser. J’aimais mieux San Antonio parce que j’avais encore très mauvais goût.

Simonin m’est apparu dans sa malice, sa richesse et ses nuances longtemps après. Je l’ai attrapé comme on attrape une grippe dont on se remet mal. Sous l’Élégant j’ai vu l’homme nu, sous l’argotier le styliste, sous le paresseux un accablé et sous le désabusé un penseur tragique.

On peut (comme pour Manchette) se dispenser de ses collaborations avec le cinéma. D’ailleurs, en général, la collaboration ne lui a pas réussi (cinq ans de cellule, quand même)

On lira prioritairement Touchez pas au grisbi, si mélancolique et crépusculaire, et les Confessions d’un enfant de la Chapelle. Les courts textes de la lettre ouverte aux voyous et du savoir-vivre chez les truands tombent justes et droits comme des grimpants taillés sur mesure par un maitre.

Féministes, délicats, progressistes enragés et petits lecteurs s’abstenir.