




Quand je comprends qu’il est bien tard, que les années qu’il me reste n’en finiront plus de se jeter sur moi pour mieux m’éviter, que je sens les regrets sédimenter au fond de mon cœur, je ne suis bien que là, arrimé à ma chaise, sur mon tapis de bambou, à distance de mon chevalet d’un demi bras.
Cinq litres de white spirit en bidon sous la main gauche, mes couleurs dans leurs bacs sous la droite, l’essence et l’huile dans leurs godets, les pinceaux en bouquet dans leurs pots, le front sous la lampe et ma palette chargée sur mes genoux j’attends.
Je me débarrasse du monde comme il se débarrasse de moi.
C’est un processus, pas même une fiction.
L’impensé, à coups de lignes et de masses, s’ordonne, trouve sa cohérence, se dévoile. C’est un mouvement inquiet qui cherche son apaisement par un saisissement. Je ne veux rien sinon glisser hors de moi, guidé confusément par la vibration des couleurs, par l’ivresse d’un geste délié, d’un trait retenu. Je suis dans la pâte que j’écrase sur la trame de la toile, dans la soie du pinceau, dans la main qui porte mon désir, dans l’image qui émerge.
Je me plais là, infiniment paisible, en retrait des pensées, à camper à l’abri des mots, baigné dans la sensation intense d’être au bon endroit, au bon moment.
Ailleurs je perds mon temps.
(Toujours extrait de la même toile à venir… Quel suspens!)
Amour, je ne me plains de l’orgueil endurci
Amour, je ne me plains de l’orgueil endurci,
Ni de la cruauté de ma jeune Lucrèce,
Ni comme, sans recours, languir elle me laisse :
Je me plains de sa main et de son godmicy. C’est un gros instrument par le bout étréci,
Dont chaste elle corrompt toute nuit sa jeunesse :
Voilà contre l’Amour sa prudente finesse,
Voilà comme elle trompe un amoureux souci. Aussi, pour récompense, une haleine puante,
Une glaire épaissie entre ses draps gluante,
Un œil hâve et battu, un teint pâle et défait, Montrent qu’un faux plaisir toute nuit la possède.
Il vaut mieux être Phryne et Laïs tout à fait,
Que se feindre Portie avec un tel remède.
Pierre de Ronsard (1524-1585)
Acrylique sur toile, 73 cm x 50 cm,
Acrylique sur toile, détail…
Acrylique sur toile, détail…
L’on trouvera ici, sur le site de L’Art sur la Planche de quoi s’offrir un dessin de bibi!…
En cliquant sur l’image vous pourrez rentrer dedans, je veux dire dans le grain de la toile et le moelleux des couleurs… C’est pour ceux que la barbouille, en tant que matériau, tout comme moi, toujours épate…