
Elles avaient chaussé leurs lunettes pour voir la vie avec des yeux de femmes. Elles devaient aussi en prendre plein la vue. II fallait donc les mettre en garde, sans rien briser…
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Il se rapprochait de moi en s’agrippant à la barre de cuivre du zinc. Bientôt nous serions coude à coude. Il louchait maintenant sur mes cacahouètes. C’était un de ces humiliés chroniques qui ne savent pas se taire. Et ça n’a pas manqué, il a dit tout de go en regardant les bouteilles de l’autre côté du bar, à mon adresse mais comme pour lui-même : « Une vie passée à vendre des milliers d’hectolitres de revêtement mural aux propriétés ignifugeantes pour rembourser une maison branlante, où vous avez logé une femme à demie effrayée par tout ce qui bouge, est une vie mal barrée. Ça ne doit plus durer. Il faut rompre cet engrenage, casser la chaîne des causalités, reprendre la main et cesser cette comédie en beauté… » Puis il s’est tourné vers moi avec un sourire inquiétant… « C’est pas vrai ? » qu’il a dit en levant le menton… Je n’ai rien répondu, trop occupé que j’étais à chercher une contenance, mais c’était déjà trop tard. Une demi-heure plus tard j’en savais trop et nous regardions ensemble sur son téléphone portable les photos de sa femme, de sa fille, de sa maison et de sa maîtresse, gironde, qui venait de le quitter…
L’air était à bout de souffle et la poussière scintillante, soulevée par leurs pas, resta suspendue. Ils étaient là, délicieusement pris dans la lumière de l’été sans savoir s’ils avançaient ou reculaient. Le sens de l’éternité, par distraction, venait de les investir. Ils étaient délivrés…
Allez, on rentre. Tu sais ce qui me ferait plaisir ma jolie Marthe ? Un coup de cidre et des rillettes sur du pain bis… Je te ferai ta tartine, on regardera les photos des enfants, je te raconterai les nouvelles du quartier… Et après on fera ta toilette… Avec la grosse éponge qui mousse… Je te frotterai le dos doucement en te chantant le petit bal perdu. Faudra pas crier hein… Tu choisiras une belle robe, on enfilera les chaussettes qui serrent pas et je te mettrai ton galet dans ta poche… Comme ça tu pourras le serrer très fort pendant toute la route du retour… Et cette fois l’infirmière ne te le prendra plus. Elle a bien compris va ! On n’arrache pas des mains les cailloux blancs des vieilles femmes qui se perdent… De toute façon, te fais pas de bile… Je t’appellerai tous les deux jours et je reviendrai te chercher samedi prochain… T’en fais pas, ils sont pas près de nous avoir…
Décidement je trouve vraiment fantastique tes scènes de la vie moderne… Chapeau.
> Merci Xavier, mais chez vous, c’est pas mal non plus… Au plaisir…