8 commentaires
Les voies délicieuses du salut et de la perdition (5)…
Mon Apéro
On peut donner des leçons d’ morale
Quand on possède bonne soupe et bon feu
Mais quand on ne possède que peau d’ balle
On prend son plaisir où on peut
Dans le quartier, on me blague
Je suis un pilier d’ bistrot
C’est vrai qu’avec les pochards, j’ divague
Chaque fois qu’ j’ai le cœur trop gros
D’autres cherchent des trucs compliqués
Mais comme j’ai horreur du chiqué
Moi, c’est au bord du comptoir
Que je prends tous les soirs
Mon apéro… J’ discute avec le patron
J’ l’appelle par son p’tit nom
Oh, c’est un bon gros
Comme les mâles j’ lui dis : Arthur, vas-y !
Et j’ te lui joue la tournée au zanzi
Le phono pousse une java
L’ennui doucement s’en va
Tout me semble beau
Et j’ noie mon ennui profond
Pour une heure, tout au fond
D’un apéro… Sur mes seize ans, comme j’étais belle gosse
Tous les gars m’ faisaient du boniment
Alors, je m’ suis mise à faire la noce
C’est venu, je n’ sais pas comment
Y m’ payaient tout sans rien dire
J’avais voiture et hôtel
Mais il me fallait toujours sourire
Le cœur barbouillé de fiel
Et j’ rêvais d’un petit mécano
Qui n’ m’offrirait que des bécots Alors, pour chasser le noir
J’ buvais dans tous les bars
Des apéros
Grimpée sur un tabouret
Trempait dans mon gobelet
Un chalumeau
Et devant l’air fatigué des danseurs
Je m’ sentais prise par les chasses du chauffeur
Plus que moi riche d’amour
Il embrassait chaque jour
Une dactylo
Et j’ n’avais pour m’ consoler
Mon cœur si désolé
Qu’ les apéros Mais les cocktails me tournaient la tête
Alors j’ai bientôt plaqué l’ métier
Me r’voilà, bon Dieu que la vie est bête !
Revenue dans mon vieux quartier
La r’voilà, ma p’tite église
Et chez moi rien n’a changé, rien !
Rien sinon mon cœur, cette prison grise
À qui tout reste étranger
Hélas, le bonheur n’a qu’un temps
Voyant que l’amour foutait l’ camp
Je suis rev’nue au comptoir
Où l’on m’ payait le soir
Des apéros… Je n’ crois plus à rien du tout
« Patron, encore un coup
Et du costaud ! »
C’est en baissant l’ nez que j’ revois les cieux
Et dans mon verre, je pêche des rêves bleus
Affamée par les coups durs
J’ai pas mis la main sur
Le bon numéro
Et mon cœur vide d’amour
N’a plus d’ tendresse que pour
Les apéros…
Robert Malleron
Crayon, 15 cm x 21 cm
…
J’aime les casquettes pour l’ombre froide qu’elles jettent sur les fronts, les lunettes de métal qui accrochent les éclats du soleil, les branches en fil de fer qui barrent les pommettes et les tempes, les verres solaires qui teintent les joues de brun, de bleu, de mauve. J’aime les trognes noueuses, ravinées, burinées, méchantes et de mauvais poil. J’aime les creuser, les tendre, les fouiller et les tordre d’une mine pointue ou émoussée. J’aime quand l’œil n’est plus inquiet et que la main devient intelligente. J’aime ce temps où les mots n’ont plus cours. J’aime aussi le goût de bois des crayons mâchouillés, le balancement de la bombe, l’odeur du fixatif et les bruits de la ville qui reprennent possession de l’atelier…
Des portraits comme des paysages, et des paysages comme des portraits…même encre, même touche, même regard, même cadre immobile et proche….une série où alternerait paysages de bords de route et visages serait troublante…
après la femme à barbe, l’homme tronc, les enfants siamois, le cirque des perdus, des perdants, des salauds magnifiques et autres curiosités….et votre blog prend parfois des allures de petit cabinet de curiosités ..où vous passez au tamis indécisions, lâchetés, fragilités, mesquinerie, détails flamboyant, ratages, frustrations, coups bas, avec nous – mêmes , avec les autres.
J’aime beaucoup cette série de portaits, les dessins (et celui-ci particulièrement) tout autant que les textes. J’en aime le point de vue.
Aaaah… On n’est pas bien là ? À la fraîche… Paisibles…
Tiens, tu as oublié de signer ! L’artiste anonyme comme son sujet…
oh quelle tristesse…
> Jalexis, c’est déjà un peu ça… Parfois j’enchaîne les visages et parfois, au fil de mes errances, ce sont les paysages qui me retiennent… Je ne souhaite pas organiser mes post et je mets au fur et à mesure ce qui ne me semble pas trop mauvais…
>Merci Sylvie de cette attention que vous m’accordez sans faillir…
> Chambrun? Tout va bien? à la fraîche? oui, oui… Et pourtant j’ai encore oublié de plier les lapins… ça va mettre du bleu partout…
> Mais non Aby, pas de tristesse là dedans. Ce n’est qu’un texte. Une histoire méchante. Et comme sur cette petite carte tendue par mon personnage, il ne faut pas croire tout ce qui est écrit!…
Ah mais oui j’avais bien compris…mais ce texte reste cependant très triste à la lecture.
ABY, j »avais envie de recauser de ce texte en lisant votre remarque….je le trouve jubilatoire ce salaud calculateur et son absence de complexe, de scrupules à être le pourri de service évite à mon sens la tristesse justement. Quant à la Christine, dans le regard du salaud de service, ce qui est fort, c »est qu’on en vient à avoir envie de lui faire mal aussi….ou au moins à ne pas ressentir de compassion….car il est vrai que la Christine est épaisse….voire carrément lourde…..bref, quasi ça nous triturerait la fibre sado ! brrrr. Mais n’oublions pas la chute de l’histoire: l’arroseur arrosé n’a pas mangé de chair fraiche ce soir -la et la "victime" , plus par niaiserie que par candeur, ne se sachant pas victime potentielle ne devient pas victime….juste une fausse carte de visite entre les mains…elle aurait pu perdre plus gros en croisant cet olibrius !
Cher Soluto, désolée si je suis à côté de ce que vous vouliez dire ! Et du coup, avec votre remarque ABY, je vais méditer un peu sur la définition que je me fais de la tristesse.