Encre de chine 15cm x 21 cm
‣ Rubrique : Soluto
Nice Girls Don’t Stay For Breakfast…
Dédicace au Salon du Livre et croquis sauvé du panier…
Chers tous,
Je serai au Salon du Livre de Paris le vendredi 22 mars au stand du Dilettante (N31).
Je signerai mes Glaces sans tain entre 11h00 et 14h00.
Venez nombreux!
Prelude To A Kiss
(crayons divers sur papier trivial… Grandeur nature…)
L’homme élégant…
Il lui mordait les fesses car elle ne portait jamais de pantalon…
Les poètes de sept ans
Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S’en allait satisfaite et très fière, sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences,
L’âme de son enfant livrée aux répugnances. Tout le jour il suait d’obéissance ; très
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d’âcres hypocrisies.
Dans l’ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l’aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s’ouvrait sur le soir : à la lampe
On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L’été
Surtout, vaincu, stupide, il était entêté
A se renfermer dans la fraîcheur des latrines :
Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.
Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
Derrière la maison, en hiver, s’illunait,
Gisant au pied d’un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son œil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, œil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots !
Et si, l’ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mère s’effrayait ; les tendresses, profondes,
De l’enfant se jetaient sur cet étonnement.
C’était bon. Elle avait le bleu regard, – qui ment ! A sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand désert, où luit la Liberté ravie,
Forêts, soleils, rives, savanes ! – Il s’aidait
De journaux illustrés où, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l’œil brun, folle, en robes d’indiennes,
– Huit ans – la fille des ouvriers d’à côté,
La petite brutale, et qu’elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos en secouant ses tresses,
Et qu’il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons ;
– Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre. Il craignait les blafards dimanches de décembre,
Où, pommadé, sur un guéridon d’acajou,
Il lisait une Bible à la tranche vert-chou ;
Des rêves l’oppressaient chaque nuit dans l’alcôve.
Il n’aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu’au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Où les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
– Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d’or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor ! Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, âcrement prise d’humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulements, déroutes et pitié !
– Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, – seul, et couché sur des pièces de toile
Écrue, et pressentant violemment la voile !
Arthur Rimbaud
Plein soleil…
J’aime l’ennui…
J´aime l´ennui
Ca revient comme une litanie
J´aime l´ennui
Une poignée de secondes
Jetée hors du monde
Souvent, j´aime l´ennui
Celui qui m´emporte
Souvenir de zones ou de fleurs
Bleuet de l´exil
Ton calice en plein cœur
Je retombe dans la nuit Je tombe et je retombe
Sur des sosies de toi
Comment peut-on tomber si bas? J´aime l´ennui
Qui revient comme une homélie
J´aime l´ennui
Une poignée de secondes
Au milieu du monde
Et souvent, j´aime l´ennui
Tendu, comme en sursis
De ma dernière vie
Je tombe dans des états
Si tu voyais ça
Tu n´en reviendrais pas Je tombe et je retombe
Sur des sosies de toi
Et pourquoi pas tomber si bas?
Si loin de toi… Si bas
Daniel Bevilacqua dit Christophe
Jean Rustin est mort…

Crayon et mise en couleur numérique
…
Jean Rustin est mort.
J’ai découvert sa peinture par le biais d’un petit catalogue, à l’Armitière, librairie Rouennaise, que je fréquentais beaucoup au début des années quatre- vingt. Stupeur… Ce fut une gifle. Toutes ces images honteuses m’assaillaient, venaient me troubler, me fouiller, me déranger. J’étais seul avec elles, sans mot. Elles s’engouffraient en moi, me pénétraient par effraction.
Je n’ai pas pu acheter l’ouvrage. A cette époque, de toute façon, j’achetais peu de livres. Et comme je vivais encore plus ou moins chez mes parents j’étais prudent sur ce que je ramenais. Rustin tombant sous l’œil de mes vieux, pourtant si gentils et si tolérants, c’était l’assurance de leur confirmer ce qu’ils pressentaient trop bien ; la bizarrerie du fiston, ses préoccupations étranges, ses monomanies soupçonnées.
Rustin ! J’imaginais que ça se prononçait Reustine, à l’américaine. Impossible d’imaginer que ce peintre soit français. Difficile à l’époque de se renseigner sur cet artiste. L’internet n’existait pas, aucun livre n’était publié sur son œuvre. Je trouvais malgré tout quelques amateurs avec qui échanger. Je me souviens par exemple en avoir longuement parlé avec le sculpteur Marc Petit qui partageait avec moi cette fascination. Complicité de ceux qui ont été frappé par une révélation ! Mais, à la vérité, personne ne savait rien de solide sur lui. Un énorme pavé, format à l’italienne, est sorti, beaucoup trop cher pour moi.
Il n’y avait pas internet mais il y avait le minitel. 3611 ! J’ai tapé Jean Rustin et je l’ai trouvé à Bagnolet. Il était dans le bottin ! J’ai encore patienté deux ou trois ans avant d’avoir le courage de l’appeler. Je me suis cramponné et m’y suis risqué. Je n’imaginais même pas pouvoir tomber sur lui directement. C’est pourtant ainsi que ça s’est passé. Il était timide, ou méfiant, ou les deux à la fois.
Je lui ai dit toute mon admiration. On a parlé gentiment. Il m’a invité à le prévenir quand je viendrais à Paris afin que nous nous rencontrions dans son atelier. Un autre que moi, moins inhibé, moins impressionné, aurait saisi l’occase sur le champ. J’ai laissé filer. Quelques mois après je l’ai rappelé, de Paris, où je passais quelques jours de vacances. Mais il n’était pas disponible. Je crois qu’il partait. Dans mon souvenir il devait même prendre l’avion et ça l’ennuyait… Passons…
Je ne me suis plus manifesté. Pendant des années, au hasard de mes pérégrinations, j’ai vu beaucoup de ses dessins, de ses toiles. Souvent par petites quantités… Des mains, des visages… Notamment à la galerie Pierre-Marie Vitoux. A chaque fois j’étais saisi, ragaillardi, confiant.
Plus tard j’ai souffert quand j’ai visité la grande rétrospective de la Halle Saint Pierre en 2001. Cette dernière exposition magnifique, qui précipitait mon artiste chéri dans toutes les rétines du vulgaire, a marqué la fin de mon admiration sans borne. Je l’aimais mieux quand il était à moi tout seul. Je ne partage mes enthousiasmes qu’avec ceux que je choisis. Sentiment de dépossession, rancœurs : je lui ai attribué une autre place où l’odeur du souffre s’était évanouie. C’est injuste bien sûr. Je ne suis pas toujours très fier de moi et je me pardonne assez facilement. Revenons plutôt à lui.
Rustin reportait dans chacune de ses toiles toutes celles qui l’avaient précédée. Il n’était pas nécessaire d’en voir trop pour se convaincre de son génie.
Les temps qui viendront seront durs. Je vais devoir supporter des barbouilleurs qui ne tarderont pas à me demander : « Tu connais Rustin ? »… Je leur répondrai du bout des lèvres pour ne pas me gaspiller.
Jean Rustin est mort mais je le porte en moi. Là où il est je ne risque pas de l’enterrer.
Ô jour qui meurs à songer d’elle…
Crayon et mise en couleur numérique
…
Ô jour qui meurs à songer d’elle
Un songe sans raison,
Entre les plis du noir gazon
Et la rouge asphodèle ; N’est-ce pas, aux feux du plaisir
Inclinée et rebelle,
Elle encor, mais cent fois plus belle,
Et de flamme à saisir ? … là-bas monte la voix dernière
D’un bouvier sous les cieux.
On n’entend plus que ses essieux
Qui grincent dans l’ornière.
Paul-Jean Toulet